La Poétique Des Mémoires (1650-1685)

Aujourd'hui encore le genre des Mémoires est florissant. Ce livre remonte aux sources du genre en décrivant les grands textes qui consacrèrent l'âge d'or des Mémoires au XVIIe siècle. Quelles furent alors les conditions qui amenèrent des contemporains de Louis XIII et de Louis XIV à prendre la plume au soir de leur vie? S'appuyant sur une pratique qui éclôt avec la Renaissance, les Mémoires inventent une formule qui permet à l'homme de revendiquer ses droits à entrer dans l'histoire: ils racontent quels rôles furent ceux d'un grand capitaine, d'une héroïque cousine du roi, d'un cadet de famille, d'un cardinal, d'une princesse, d'un abbé, d'un secrétaire de Gaston d'Orléans. Les Mémoires donnent aux intrigues de cour, aux campagnes militaires, aux luttes religieuses ou politiques du XVIIe siècle les couleurs de la vie même. La peinture qu'ils nous livrent est passionnée, animée de cet esprit de séduction qu'on appelait l'insinuation. Sous le masque d'une honnête négligence, les Mémoires déploient l'art d'une prose captivante parce qu'elle épouse les contours de l'âme humaine. En parlant de leurs erreurs, les mémoralistes savent, chacun d'un ton propre, parler d'eux sans lever le voile, faire soupçonner la vérité, éclairer les zones d'ombre estompées par l'historiographie officielle. La singularité de ces oeuvre étonnantes tient autant à leur marginalité littéraire qu'aux emprunts multiples qu'elles pratiquent, remodelant en leur creuset l'art du portrait, de la conversation, de la maxime, du récit d'aventures. Du refus de la dignité littéraire, les mémoralistes du XVIIe siècle tirent un bénéfice incomparable, celui d'une parole libre.