Provence

Résumé : Ici la géométrie est rêveuse, elle relève du hasard et de l'union providentielle des couleurs. Elle suit le chemin qui serpente vers la maison. L'alignement des sillons bruns épouse la courbe lente de la colline.La lavande sent bon et elle a toutes les vertus. De juin à septembre son brouillard violet, ses dunes rondes sont le lieu de travail des abeilles.La fenêtre est l'âme de la maison provençale, bleu lavande, jaune d'or, violette, écarlate, parfois fleurie ou décorée de chats, toujours mystérieusement close sur une pénombre intérieure. Quelquefois un balcon dessine une dentelle noire sur le blanc usé des murs et des volets. Les chats savent vivre, ils aiment avoir trop chaud, fondus dans le soleil et la rondeur des tuiles.Parfois tout est semblable, la pierre érodée, la poussière du chemin, l'ocre pâle des murs, les tuiles délavées, un village entier usé par le soleil. Et puis, sur la place du marché, tout se réveille et prend des airs pimpants : les cerises, les framboises, les pains dorés, les poivrons et les futures ratatouilles dont on sent flotter dans l'air le parfum d'ail et d'huile d'olive.Devant le café de la place, à Saint-Paul-de-Vence, Yves Montand reste figé dans le geste du joueur de pétanque et on voudrait voir revenir l'été et le temps des vacances pour aller s'asseoir là-bas dans l'ombre flottante d'un arbre et la torpeur que l'on devine.Anges et saints sculptés, visages tourmentés ou extatiques, falaises de Sisteron, chemin de Gordes qui monte vers le ciel, magnifiques corps décapités de Saint-Rémy, tombeaux gris des Alyscamps sous les arbres dressés, la pierre provençale est le lieu privilégié des hantises et de la mémoire.En Avignon les papes édifient leur palais, à Marseille les miraculés piliers de Notre-Dame-de-la-Garde, autour de la fontaine d'Aix rôde le souvenir de Cézanne.